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L’inclusion scolaire des enfants sourds à Lomé

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Continuons de prouver que la surdité d’un enfant accompagné et protégé ne l’empêche pas de suivre une scolarité normale, à l’école, au lycée et au-delà. Un exemple à projeter autant que possible.

Décembre 2022

Objectif global :

Permettre à des jeunes sourds d’effectuer leur scolarité, primaire et secondaire, en leur fournissant les aides pédagogiques spécialisées, indispensables pour leur parcours d’études et pour leurs chances de réussites aux examens. Favoriser particulièrement l’accès des filles au lycée.

Impact visé :

Grâce une éducation adaptée, ces jeunes sourds auront accès à différentes formations professionnelles et universitaires ce qui leur permettra de se développer, de devenir des adultes autonomes et d’être bien intégrés socialement.

Ces bénéfices ont été vérifiés en France au cours des 30 dernières années : le dépistage et le diagnostic précoce, le développement de la langue des signes, l’aide à la lecture labiale, l’amélioration des appareils auditifs, l’implant cochléaire et les avancées pédagogiques ont transformé les perspectives des jeunes sourds ; l’accès à l’université et à de nombreux secteurs professionnels leur est maintenant possible.

Contexte :

Comme dans le reste du monde, 95% des enfants nés ou devenus sourds, le sont dans des familles entendantes n’ayant aucune connaissance de la surdité. La famille et, plus tard l’école, ne comprennent pas l’enfant et ne peuvent pas communiquer avec lui faute de moyens adaptés.

Quand ces enfants sourds arrivent en âge d’aller à l’école, ils n’ont pour la plupart aucun outil de communication ; sourds de naissance, ils n’ont pas pu entendre la parole et ne peuvent donc pas parler. L’absence de développement d’un langage adéquat les prive d’un développement harmonieux de la pensée, entraîne des difficultés de socialisation et les expose à des risques d’abus de tous ordres.

Le recours aux appareils auditifs est actuellement limité : le niveau habituel de précision des diagnostics révèle de bonnes marges de progression, le prix des appareils est dissuasif pour beaucoup de familles, le suivi des enfants appareillés est inexistant et l’entretien des appareils peu facilité.

Le soutien spécialisé en langue des signes est donc indispensable pour que les élèves puissent accéder au contenu des cours, le seul écrit étant inopérant. Dans le contexte togolais actuel, la scolarisation des filles peine à se développer, particulièrement lorsqu’elles sont porteuses d’un handicap, un rééquilibrage est nécessaire et il est possible.

La scolarité primaire :

En inclusion dans l’école ordinaire, la situation peut se résumer à des classes à grands effectifs dès la maternelle et à une absence d’aides spécifiques.

Les enfants sourds tentent de d’adapter par imitation, copie, suppléance mentale, attention focalisée sur l’environnement…, toutes modalités qui dénaturent leur capacité d’apprendre. Il n’y pas de langue des signes, ni d’aide à la lecture labiale, ni d’exploitation renforcée des moyens visuels d’enseignement. Très vite apparaissent des difficultés de lecture, de perception, de communication et de compréhension, la plupart des élèves sourds s’effondrent dès la fin du CP.

En école spécialisée, le principal établissement pour enfants et jeunes sourds, au sud du Togo, est l’école Ephphatha à Lomé. Cette école accueille en moyenne 150 élèves, du jardin d’enfants au CM2. Elle dispose d’hébergements en internat. Les garçons sont deux fois plus nombreux que les filles. Beaucoup d’élèves présentent des troubles associés, la prise en charge médicale et paramédicale des élèves est récente et restreinte : l’orthophonie n’est présente que depuis 2 ans et est assurée par une seule orthophoniste.

L’Appel soutient l’École Ephphatha depuis 2008. La langue des signes y est enseignée et a permis aux élèves d’acquérir une bonne partie des fondamentaux ainsi qu’un accès à la communication avec leur entourage. L’École favorise l’accès de ses élèves au collège : dans le secteur géographique concerné, le nombre d’élèves sourds entrant en 6ème , est passé de 2 à 28 élèves par an, entre 2015 et 2020.

La scolarité à partir de la 6ème

Les élèves sourds sont intégrés à des classes d’entendants dont l’effectif dépasse fréquemment 80 élèves, l’enseignement est assuré en langue française. Cet enseignement oral est inaccessible pour les élèves sourds qui présentent pour la plupart une déficience auditive profonde.

La surdité des élèves n’est normalement pas prise en compte, ni pendant les cours, ni au moment des examens. Les cours ne sont pas traduits en langue des signes. Au moment des examens, il est très rare que des dispositions spécifiques soient mises en œuvre. Dans ces conditions, les jeunes sourds tentent de s’adapter par imitation ou par suppléance mentale, puis renoncent et se déscolarisent très vite.

Coline en Ré rejoint L’Appel qui depuis 2014, apporte un soutien spécialisé au collège public Agbalepedogan à Lomé. 31 élèves sourds y sont scolarisés de la 6ème à la 3ème , ils sont accueillis en inclusion dans des classes ordinaires comptant chacune de 80 à 100 élèves mais d’un point de vue technique, organisationnel et financier, le collège n’est pas en mesure de fournir les aides indispensables à cette inclusion de jeunes sourds.

En compensation, le collège met à disposition des locaux pour que des intervenants spécialisés, soutenus et financés par L’Appel et Coline en Ré, fournissent une aide pédagogique aux élèves sourds. Quatre après-midis par semaine, ces intervenants reprennent les cours en langue des signes avec des adaptations spécifiques. Dans les limites autorisées par l’administration, ils accompagnent les élèves aux examens. Le collège autorise la traduction en Langue des Signes pour les examens internes et tente d’obtenir du Ministère de l’éducation, les mêmes conditions pour les examens nationaux.

Ce programme a été récemment mis en œuvre dans un autre établissement secondaire de Lomé au niveau du collège. Cette extension concerne 20 élèves portant l’effectif total des collégiens sourds scolarisés dans la région de Lomé à 50 élèves pour l’année scolaire 2021-22.

Dans sa forme actuelle, ce soutien reste toutefois insuffisant et L’Appel et Coline en Ré tentent de favoriser des alternatives plus opérantes : inclusions partielles, regroupement d’élèves sourds pour l’enseignement de certaines matières mais rencontre des obstacles, essentiellement administratifs. Les intervenants spécialisés qui mettent en œuvre ce soutien, sont des personnes sourdes de niveau Bac+3. Au nombre de 4 actuellement, ces intervenants sont salariés d’une association togolaise (AEMESTO) qui intervient aussi dans d’autres régions du pays. Depuis un an, ce soutien scolaire en collège a permis à deux élèves d’accéder au lycée.

Le développement nouveau :

Il s’agit de développer une couverture complète des besoins scolaires, en matière de compensation du
handicap, de la Maternelle à la Terminale, et, si possible, pour des formations professionnelles.

Pour ce faire, le projet s’articule autour de deux axes : éducation en centre scolaire spécialisé de la maternelle à l’entrée au collège et éducation inclusive au collège et au lycée.

Centre scolaire spécialisé Ephphatha :

Aidé par Coline en Ré désormais, L’Appel coopère activement avec cette École depuis 2007 et va continuer son soutien par les actions suivantes :

  • Une pratique commune et normalisée de la Langue des Signes sera développée, grâce à des cours d’initiation et de perfectionnement dispensés aux professionnels, aux élèves et aux familles. Des séances collectives de 2 h. par semaine seront proposées, d’une part aux professionnels, d’autre part aux familles, pendant la période de l’année scolaire. Elles seront assurées par 2 enseignants d’Ephphatha, et par un intervenant extérieur (de l’Ass. AEMESTO). Pour les élèves, cet enseignement sera développé, de façon plus systématique et plus rigoureuse, à partir de la Maternelle.
  • En matière d’informatique, tous les élèves entrant en 6ème auront acquis les compétences du B2I- école, (brevet d’initiation informatique niveau école primaire), avant leur entrée au collège. Une salle dédiée à l’informatique a été aménagée en 2017 dans les locaux de l’École ; le matériel existant (2 postes) doit être renouvelé et augmenté. En fonction des niveaux, l’apprentissage sera mis en œuvre par les enseignants de l’École, au cours de séances d’une heure par semaine.
  • Tous les élèves, avant la fin de leur 2ème année à Ephphatha auront un dossier médical et paramédical à jour contenant les observations datées d’une consultation ORL une évaluation des besoins en orthophonie. Les élèves d’Ephphatha bénéficieront de séances d’orthophonie, selon les priorités définies et en fonction de la disponibilité des deux orthophonistes de l’école. Les dossiers médicaux seront tenus par les deux orthophonistes, archivés dans l’École, d’accès réservé, et communicables aux familles qui le demandent. Les indication de séances d’orthophonies seront posées dans le cadre d’une concertation entre le médecin ORL (de L’Appel, au départ) et les orthophonistes, suite à un bilan préalable établi par ces derniers.

Éducation inclusive :

  • Le soutien au collège public AGBALEPEDOGAN de Lomé sera poursuivi et passera de 31 élèves sourds à 50, voire 60, répartis entre ce collège et la section collège du Lycée de Bé-Plage, en fonction de leur provenance géographique.
  • Les intervenants spécialisés qui mettent en œuvre ce soutien, sont des personnes sourdes, de niveau Bac+3. Au nombre de 4 actuellement, ils sont salariés d’une Association togolaise (AEMESTO), qui intervient dans d’autres régions du pays. Actuellement, ce soutien est organisé comme suit : le matin, les élèves sourds restent dans leurs classes avec les entendants. Quatre après-midis par semaine (2 à 3 heures), des intervenants spécialisés reprennent les cours précédents avec eux, en langue des signes, et avec des adaptations pédagogiques spécifiques à la surdité. Dans les limites de ce que l’administration scolaire permet, ils les accompagnent aux examens.
  • Une classe de 6° spécifique pour les sourds est en projet, pour les élèves entrant au collège, afin de renforcer leur niveau de français écrit et leur permettre ensuite de prendre leur place dans les classes ordinaires avec de meilleures bases. Cette classe serait organisée, dès que les conditions administratives et organisationnelles seront remplies, de préférence au collège public AGBALEPEDOGAN, ou, à défaut, dans la section collège de Bé-Plage.
  • Le soutien aux lycées du 2 Juillet et de Bé-Plage montera en charge, passant de 1 élève actuel à un effectif de 15 à une échéance de 3 ans. De même que pour les collèges, les intervenants spécialisés qui mettent en œuvre ce soutien, sont des salariés d’AEMESTO. Le projet individuel de chaque élève définira la nature et la fréquence des séances hebdomadaires ; compte tenu de la diversité des parcours scolaires et des besoins, ces séances seront généralement de 2 à 6 heures par semaine, le plus souvent individuelles, collectives quand ce sera possible.

Les parcours scolaires, de la Maternelle à la fin du lycée, devront être consolidés par des conditions de vie des élèves acceptables, notamment quant à l’hébergement de ceux qui résident loin des lieux scolaires ; l’offre d’hébergement devra couvrir tous les âges, avec un niveau de sécurité suffisant.

Au stade actuel, le développement d’une offre d’hébergement est dans un phase d’étude de faisabilité. L’existant est limité : il se concentre dans les locaux d’Ephphatha qui hébergent en moyenne 10 filles et 25 garçons, scolarisés en primaire.

L’idée générale est d’offrir un hébergement pour les filles et les garçons scolarisés à partir du collège. La piste principale envisagée est un partenariat avec l’École Ephphatha.

Cette offre d’hébergement lèverait un des freins à la scolarité des filles. Les effets du Centre de Diagnostic et de Soins (cf. paragraphe suivant) créeront une dynamique importante pour améliorer cette situation.

En parallèle à ce programme éducatif, L’Appel, soutenu par la participation financière de Coline en Ré, travaille à la création d’un Centre de Diagnostic et de Soins pour les enfants sourds de 0 à 6 ans et leurs familles. Cette action complète le projet actuel car elle apporte les prérequis à la scolarité ; elle installe une continuité et une cohérence dans l’aide aux jeunes sourds, de la naissance à l’âge adulte. Ce diagnostic et cette prise en charge la plus précoce possible de la surdité permettra aux enfants sourds d’accéder très tôt à la communication et à une meilleure vie familiale et sociale.

Bénéficiaires du programme

Éducation spécialisée :

  • directs : une moyenne de 140 élèves.
  • indirects : une équipe enseignante de 11 personnes 2 orthophonistes.

Éducation inclusive :

  • directs : une moyenne de 70 élèves.
  • indirects : 4 à 6 intervenants spécialisés en soutien scolaire.

Suivi et évaluation

Court terme

En scolarité primaire, les principaux critères d’évaluation seront :

  • Les effectifs accueillis : nombre d’élèves accueillis et la répartition par âges, par classes, la répartition entre filles et garçons et entre internes et externes, le nombre d’élèves accédant au collège
  • Le nombre de séances d’orthophonie dispensées pour chaque année scolaire, et la bonne tenue des dossiers médicaux et paramédicaux.

Au collège et au lycée, les principaux critères d’évaluation seront :

  • Le nombre d’élèves aidés, la répartition par âges, par classes, entre filles et garçons,
  • Le nombre d’élèves ayant accompli la totalité du cycle collège,
  • Le nombre d’élèves ayant accompli la totalité du cycle lycée
  • Les résultats aux examens du Brevet et du Bac

Moyen/Long terme :

Le nombre d’élèves sourds accédant à l’université et aux formations professionnelles. D’autres effets seront constatés, moins mesurables (ex. : réductions de situations d’inconfort ou de souffrances…), ou perceptibles seulement à longs termes (ex. : évolutions socio-professionnelles, vie affective et familiale des adultes sourds…).

Méthode d’évaluation prévue :

L’évaluation des actions engagées sera mise en œuvre sous deux formes :

  • À l’occasion de chaque mission, les membres de L’Appel en charge du projet rencontreront les intervenants professionnels, les bénéficiaires et leurs parents. Ils rédigeront un rapport de mission.
  • Des rapports d’activité annuels seront établis, et transmis, par l’École Ephphatha et par l’Association AEMESTO. Ils seront complétés par les documents comptables relatifs aux actions engagées.

Les partenaires locaux

L’Ecole Ephphatha : principal établissement pour enfants et jeunes sourds, de la partie sud du Togo (Région maritime). Ouverte depuis 1976, elle dépend – comme un grand nombre d’institutions locales – d’une Eglise (l’Eglise des Assemblées de Dieu). Elle accueille en moyenne 150 élèves. Son financement est assuré par l’apport variable de différentes ONG ou associations, par une participation de l’employeur, par une aide de l’État Togolais, et par les participations des familles. Une convention a été signée en juin 2019 entre Ephphatha et L’Appel.

L’Association AEMESTO (Association pour l’Épanouissement des Malentendants et Sourds du Togo) : cette association, qui existe depuis 2006, intervient dans l’ensemble du Togo, soucieuse du devenir social des jeunes sourds et en particulier de leur scolarisation. Elle emploie 4 intervenants spécialisés. Une convention a été signée en juin 2021 entre AEMESTO et L’Appel.

Le Collège public AGBALEPEDOGAN à LOMÉ : soutient cette action en mettant des locaux à disposition et en autorisant la langue des signes pour les devoirs au sein du collège. Le Principal milite auprès des autorités pour que la langue des signes soit reconnue pour les examens officiels.

Le Lycée du 2 Juillet a accueilli 2 jeunes sourds et est prêt à en accueillir d’autres.

Le Lycée de Bé-Plage : qui comporte une section collège, accueille 20 élèves de la 6ème à la 3 ème et est prêt à en recevoir au niveau du lycée.

L’équipe en charge du programme

L’équipe en charge du projet est constituée par des professionnels travaillant dans des établissements ou services recevant des enfants sourds en France :

  • Thérèse GUICHARD-GAUDIN médecin ORL-phoniatre,
  • Françoise RAISSON orthophoniste retraitée,
  • Pascal RIALHON audioprothésiste,
  • Jean-Marie GAUDIN directeur d’institut de jeunes sourds, retraité.

Cette équipe est active au Togo depuis 2007 et fournit à l’école Ephphatha une aide financière, technique et organisationnelle, qui lui a permis de développer plusieurs champs : éducatif, pédagogique, hébergement, médical, paramédical… L’Appel a développé des contacts approfondis avec tous les interlocuteurs locaux concernés : autorités administratives, Inspection de l’éducation nationale, médecins, orthophonistes, éducateurs, intervenants professionnels et parents d’élèves.